La lutte finale

La lutte finale est une opération mise en œuvre par L’ENTREPRISE CULTURELLE*.
La lutte finale est une exposition-éclair ( un jour + le grand soir), un évènement qui aura lieu le 1er MAI 2003 dans trois lieux à Paris.

La lutte finale est un programme : A la fois une idée directrice pour lire un ensemble d'œuvres et un principe de fonctionnement.

LA LUTTE FINALE
Le 1 er mai 2003
Du début de l’Après-midi à la fin de la Nuit.
3 lieux partenaires :
La vitrine - 24 rue Moret , 75011 Paris
La galerie Corentin Hamel - 151 rue du chevaleret 75013 Paris
In Fact - 51 rue de Chateaudun, 75009 Paris
30 artistes
Pluralités de supports et de pratiques :
Installations, sculptures, affiches, performances, son, vidéo…Anywhere - Olivier Babin - Fayçal Baghriche - Thomas Barbey - Nicolas Boone
Julien Bouillon – Def - Matthieu Clainchard - Vincent Ganivet - Vincent La Fuite
Stéphane Magnin - Hugues Marechal - Philippe Meste - xo195/ - Anna Englesson
Carole Monterrain - Nicolas Moulin - Laurent Pernel - Thomas Zoritchack
Vanessa Raynal - Clementine Roy - YES(yen euro dollar ) – Logg - Samon Takahashi
Catherine Nutten - Vincent Epplay - Jena-Baptiste Ayle - Béatrice Rettig - d.j. stif

Contact : la luttefinale@altern.org
Coordination :
Fayçal Baghriche : 06 22 40 54 27 - Mathieu Clainchard : 06 10 74 94 90
Communication : Pauline Gauthron : 06 85 91 83 31

L’ENTREPRISE CULTURELLE est un groupement d'individus désireux de créer de nouveaux contextes de monstration de l'activité artistique contemporaine. Elle se constitue en centre de décision autonome à géométrie variable et à durée indéterminée. Les objectifs que se fixe L’ENTREPRISE CULTURELLE ne lui sont pas imposés par une autorité extérieure. Elle émet des propositions et tente de fédérer divers organes d’activités pour la mise en œuvre de projets.


L'événementLa Lutte finale est une exposition qui durera un jour et un soir (le Grand soir), organisé le 1er mai 2003 à Paris. C'est le programme d'une idée directrice pour lire un ensemble d'œuvres et un principe de fonctionnement.. La date du 1° mai est symbolique à plusieurs titres : jour chômé pour tous, ce choix permet d'élargir et de diversifier les possibilités de visites, des spectateurs habituels de ce genre de manifestation aux promeneurs. C'est un symbole historique de la lutte sociale, mais aussi une de ses grandes contradictions contemporaines.L'événement occupe 3 lieux simultanément dans Paris
La Vitrine (lieu d'exposition institutionnel puisque rattaché à l'école nationale d'arts de Cergy) 24 rue Moret, Paris 11ème
La galerie Corentin Hamel (lieu d'exposition à vocation commerciale), 151 rue du Chevaleret, Paris 13ème
In Fact ( lieu agissant pour la promotion et valorisation des arts de l’image et du son), 51 rue de Chateaudun, Paris 9ème

De natures différentes, jouissant de situations géographiques diverses et d'inscriptions dans le champ de l'art ou de la culture qui leur sont propre, la liaison de ces lieux et de leur fonctionnement montre de manière concrète les extrémités des réseaux constitués par les artistes et les œuvres proposées. Il ne s'agit pas de présenter un panorama de la situation artistique actuelle. Notre proposition accentue la vision parcellaire que nous entendons donner de la structure rhizomatique qui lie les œuvres et les artistes. Ce n'est pas un itinéraire, puisque les lieux sont visitables dans n'importe quel ordre et indépendamment les uns des autres. La durée très brève de l'événement, à savoir une seule journée se justifie pour plusieurs raisons: d'une part elle permet d'exposer une sorte d'instantané de la situation (instant T), d'autre part elle accentue le caractère exceptionnel de la situation. Le rapprochement des œuvres et des artistes proposés ne vaut que pour l'ici et maintenant de ce 1er mai 2003 à Paris.
L'événement peut être qualifié d'exposition éclaire qui ne produira que très peu de pièces. Il fonctionne dans une économie de moyens, un temps de préparation et d'accrochage très court. L'événement se terminera par "un concert" : le Grand soir, une sélection de performances musicales électroniques.

Le vocable économique et politique
Nous regrouperons sous le terme de la lutte finale des œuvres mettant en jeu :
- Des rapports qu'entretiennent les artistes avec des notions, voire des esthétiques telles que la résistance, l'utopie, le combat.
- L'utilisation, la réactivation et le questionnement de systèmes de pensée et de communication, de
mises en œuvre issus de l'idée révolutionnaire et des techniques de propagande.
- L'examen d'une situation historique (géopolitique, sociale, politique) et le questionnement de la postérité.
Les questions et/ou les réponses énoncées par les œuvres et les artistes sont de natures différentes, de l'engagement politique au cynisme en passant par l'ironie, la dérision, l'épuisement, l'affrontement, le ludisme. Le plus frappant, dans l'ensemble de cette initiative, et c'est bien de cela dont il s'agit, serait que notre situation est celle d'un "après" puisque la Lutte finale a échoué mais aussi d'un "avant", d'une échéance encore une fois reportée.

Contradictions
Les contradictions et la lutte sont universelles, absolues, mais les méthodes pour résoudre les contradictions, c'est-à-dire les formes de lutte, varient selon le caractère de ces contradictions : certaines contradictions revêtent le caractère d'un antagonisme déclaré, d'autres non. Suivant le développement concret des choses et des phénomènes, certaines contradictions primitivement non antagonistes se développent en contradictions antagonistes, alors que d'autres, primitivement antagonistes, se développent en contradictions non antagonistes ».
De la contradiction (août 1937),
Oeuvres choisies de Mao Tsé-toung, tome I.
In LE PETIT LIVRE ROUGE Retournements
Le 1er mai est une idée américaine datée de 1884, née à l'occasion du IVe congrès de l'American Federation of Labor, Chicago. L'idée d'organiser une manifestation un 1er mai afin d'aboutir à la journée de huit heures, pour la première fois dans l'histoire du mouvement ouvrier, est lancée. Puis c’est à Paris, en 1889, l'année du premier centenaire de la Révolution française que se tient le deuxième congrès de l'Internationale socialiste. Ce congrès décide «d’organiser une grande manifestation à date fixe de manière que dans tous les pays et dans toutes les villes à la fois, le même jour convenu, les travailleurs mettent les pouvoirs publics en demeure de réduire légalement à huit heures la journée de travail et d'appliquer les autres résolutions du congrès». Attendu qu'une semblable manifestation a été déjà décidée pour le 1er mai 1890 par l'Afl, dans son congrès de décembre 1888 tenu à Saint Louis, cette date est adoptée pour la manifestation. Cette notion de fête du Travail n'est donc pas une invention de la génération des années quarante puisqu'on trouve cette formule sous la plume de Jules Guesde dès 1890. néanmoins, ce sera le gouvernement de Vichy qui fait du 1er mai 1941, par la loi Belin, un jour chômé et payé. Le 1er Mai devient «la fête du Travail et de la concorde nationale». L'idée de faire légalement de cette journée une manifestation internationale sera reprise à la Libération mais avec un tout autre but que la promotion de l'ordre corporatiste.
En avril 1947, sur proposition du député socialiste Daniel Mayer et avec l'accord du ministre du Travail, le communiste Ambroise Croizat, le 1er mai devient dans toutes les entreprises publiques et privées un jour chômé et payé. Cependant le 1er mai ne sera pas assimilé à une fête légale.
En effet, de la même manière que le 1er mai est à l'origine un jour chômé (un répit concédé par l'employeur et les pouvoirs publics aux salariés), la pratique de la vente du brin de muguet, à l'origine conçue pour financer les organisations syndicales, est devenue une tolérance de commerce sans licence et permet à tout citoyen de se livrer à une activité lucrative promouvant une sorte de micro-entreprenariat fondé sur une consommation du symbole que représente le 1er mai. Le concept des «trois huit» (ainsi s'appelle l'organe officiel d'organisation de la manifestation internationale du 1er mai)est passé d'une revendication sociale à un rapport de pouvoir de nature économique. Dans son édition de 1895, Jules Guesde explique ce qu'il faut entendre par ce qu'il appelle le jour social de huit heures: «Ce que nous revendiquons, c'est une loi qui interdise de faire travailler plus de huit heures par jour.» Autrement dit, huit heures de travail, huit heures de repos et huit heures pour s'instruire et cultiver son corps.) à une organisation tayloriste exacerbée, à savoir que si 3 équipes de travail travaillant huit heures chacune se relaient l'unité de production tourne en continu et le temps passé à mettre en route et a arrêter la chaîne de travail est éliminé.

Un entre-lieu utopiqueLa Lutte finale résonne comme un slogan, mais l'énonciation du terme ouvre un vaste champ d'interprétations. Qu'implique le fait de parler de lutte finale aujourd'hui ? l'acceptation de ce terme est problématique à plusieurs titres et fait apparaître plusieurs versants de la situation actuelle, politique, sociale, artistique, mise en jeu, voire ébranlé, par les artistes proposés. Choisir d'évoquer la lutte finale en 2003 est loin d'être innocent; après l'effondrement des systèmes communistes, le seul repérage possible et plausible serait celui d’une unique internationale : une multinationale capitaliste dont l'idéologie serait celle de la Pax americana. Il faudrait parvenir à faire entendre cette notion au sens large, au-delà de son acception marxiste (l'aboutissement de la lutte des classes) et l'envisager sous différents angles. La Lutte finale tente de les pressentir.
Les artistes présentés ne forment pas un groupe ni un mouvement, même si leurs travaux, vocabulaires et pratiques sont connectées par des liens croisés qui vont des affinités humaines à l'emploi des mêmes référents historiques ou artistiques. Les œuvres présentées ont un rapport, direct ou indirect, avec la notion de lutte, et tente de redéfinir temporellement la dimension de finalité. L'idée même de lutte, qu'il s'agisse de lutte sociale, de combat, de position de résistance, de soulèvement fonde le travail de chacun, mais essaie aussi de définir l'espace d'une résistance intra-individuelle. Les artistes proposés jouent avec un vocabulaire révolutionnaire, une imagerie de propagande ou des symboles politiques. La présentation d'œuvres "statiques" (principalement des affiches mais aussi des installations) se métissera avec des œuvres "dynamiques" (performances et lectures inscrites dans un programme temporel défini qui s'organiseront en rendez-vous dans la soirée. Une grande partie des œuvres présentées dans l'exposition opèrent par retournements ou mettent en évidence des situations renversées. On constate aussi que de nombreux symboles conçus par des idéologies finissent par se retourner, ou bien se créer de nouveaux référents et de nouvelles significations comme par exemple ce fut le cas pour le 1er mai.
Ainsi, la Lutte finale serait ce flottement, cette perturbation, créée à partir de la contradiction (de la visibilité résistante) des retournements. Elle se diluerait dans les mécanismes socio-économiques et historiques et en modifiant ses référents et ses cadres de représentation, elle serait instrumentalisée au service d’un Prince. Mais qui est Prince dans le domaine de la création artistique contemporaine… L’éclatement géographique de cet événement et sa durée instantanée ne relève pas d’une déficience ni d’une exposition itinérante. Cette exposition est une vue peut-être à l'envers, après le revers, des idéologies. Elle a lieu dans un non-lieu (éclaté), et elle est un non-temps (après et avant : nous sommes toujours entre deux). Cette situation dans son acceptation la plus esthétique est anhistorique. Et l'on sort ainsi pour quelques instants de la lutte des classes marxiste qui pose la notion judéo-chrétienne, certes du salut mais surtout du temps, au sein de la Lutte.
On pose ainsi le regard sur une société utopique, non pas dans sa dimension de bonheur atteint mais d'Uchronie (un temps suspendu), isolement par rapport à la société réelle et extérieure. On y aperçoit l'équilibre fragile d'un jeu en dehors du temps de chacun. Utopie urbaine, non pas comme un état proche de celui de nature mais par son existence par défaut, ou image d'Epinal d'un monde éclaté et à l'envers, cet événement permettrait une évaluation temporaire de notre rapport à la résistance. La Lutte finale comme justice, comme équilibre serait constitutive d'une l’Utopie; mais par nature, elle ne peut-être que moteur. Le Candide ne peut rester dans l'Eldorado et il devra construire son propre univers par son travail: il se construit donc sur l'idée d'anti-utopie.
La littérature utopique est souvent une littérature de voyage, récit d'un périple au terme duquel se produit la découverte imprévue d'un ailleurs idéal: là-bas, nulle part, qui permet de connaître à chacun sa propre finitude. Ainsi, l'utopie actualise une relation particulière entre fiction et action. La Lutte finale demeure, et doit demeurer, une fiction pour pouvoir politiquement exister et engager les imaginaires de tous d'où la force de cet entre-lieu utopique. C'est ainsi que peut se fonder une démocratie de culture. Mais en même temps, elle pose le problème de l'action (le passéisme aujourd'hui comme dernier espace de résistance.) Il s'agit donc bien d'envisager l'art et son organisation comme Utopie. La Cité idéale des utopies procéderait aujourd'hui d'une sorte d'arrêt sur image, d'un mouvement non plus futur mais présent et rêvé dans divers temps et espaces. A chacun son parcours, son histoire et sa fiction labyrinthique à travers la ville et la Lutte finale.
Contradictions, retournements et utopies comme rêves imaginaires, c'est à dire même pas comme un rêve mais un non-rêve. Peut-être l'espace de la réalité d'une création contemporaine comme une forme de résistance ultime, qui part à la recherche des rhizomes secrets de notre société, l'Atlandide utopique de nos système politiques aujourd'hui, en 2003.

David Ferré, metteur en scène.

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